6 clés de compréhension de la douleur pour mieux accompagner ses patients

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Dernière modification le 10/01/2024
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Sommaire

Quand on est professionnel de santé, et plus particulièrement kinésithérapeute, la douleur est un phénomène auquel nous sommes quotidiennement confrontés. C’est souvent elle qui amène les patients à pousser la porte de notre cabinet, elle qui est présente quand on bilante et qui guide notre travail de thérapeute le long du parcours de soin.
Dans la continuité de notre dossier sur les étirements, Maddie vous propose, dans cet article, d’approfondir ensemble le sujet complexe mais ô combien passionnant de la douleur. Celle qui terrasse, celle qu’on tolère, celle qui fait pleurer ou crier, celle qui empêche de dormir, de courir, ou de tout simplement de faire ce que l’on aime. Une thématique que nous avions développée dans notre podcast aux côtés de @Cerveau musclé il y a quelque temps et dont la complexité mérite selon nous un nouveau coup de projecteur !

🎙 Ecouter l’épisode : La douleur, notre meilleure ennemie” avec @cerveaumusclé

À quoi nous sert la douleur et que sait-on d’elle ? Comment l’expliquer à ses patients ? Comment leur permettre de la quantifier ? Et comment en tant que kiné, peut-on agir sur le système douloureux ?

Pour découvrir la réponse à ces questions, c’est ici que ça se passe 👇

Historiquement, la douleur vue comme la manifestation d’un châtiment divin

Si aujourd’hui la douleur est perçue comme un processus naturel, il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, la douleur a pu être interprétée comme la manifestation d’un châtiment divin, à une époque où les croyances primaient sur la science et ses principes.

Dans la Grèce antique par exemple, la douleur était associée au châtiment d’Artémis. Le souffrant était celui dont les actes avaient été punis par la déesse et pour guérir, il se devait d’implorer son pardon.

Plus tard, les religions du livre placeront aussi la douleur au centre de la foi en faisant de la souffrance physique non seulement une punition expliquant la mort et les maladies, mais aussi une manière d’expier ses fautes (pensez à la flagellation). À plus large échelle, la douleur a souvent été présentée comme un “mal nécessaire”, avec cette idée qu’il ne pourrait exister de piété ni même de vie sur Terre (avant celle dans l’au-delà) sans souffrance (“tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”).

Nous devons à Hippocrate, considéré aujourd’hui comme le père de la médecine, cette corrélation qui nous semble si évidente aujourd’hui, entre guérison et apports scientifiques.“Le premier principe de la médecine est de guérir quelquefois, de soulager souvent et de consoler toujours.” aimait-il à répéter. Les Romains iront plus loin, notamment sous Galien, en dressant un lien entre douleur et système nerveux. Un petit pas pour l’homme…

La douleur : une condition sine qua non à notre survie

Depuis, scientifiques, anthropologues et historiens se sont maintes fois employés à démontrer le rôle essentiel de la douleur dans le développement de l’humanité. Bien que la douleur soit une sensation désagréable, son rôle est vital. C’est elle qui donne l’alerte en cas de danger imminent pour notre organisme. La douleur est ce qui nous a permis de garder la bonne distance autour d’un feu, nous forçant à nous éloigner des flammes et préserver notre intégrité corporelle.

Une image simple pour faire comprendre le mécanisme de la douleur à un patient est celle du détecteur de fumée dont la fonction est, à l’instar de la douleur pour notre corps, de prévenir en cas de menaces immédiates.

clous rouillés sur le sol
Fond photo crée par jcomp - fr.freepik.com

De la subjectivité de la douleur

La complexité de la douleur réside dans le fait qu’elle ne se vit que dans le corps de celui qui la ressent. Avec toute l’empathie du monde, on ne peut pas ressentir la douleur de quelqu’un d’autre.

La douleur nous met devant notre incapacité à “ressentir pour l’autre” et à donc à mesurer l’ampleur du phénomène. Ce qui fait de la douleur une sensation intrinsèquement subjective. Elle ne peut se mesurer de manière universelle avec un outil, comme une longueur en centimètre.

📏 Alors comment fait-on pour quantifier la douleur ?

La méthode la plus connue pour tenter d’évaluer la douleur est d’établir une échelle fictive allant de 1 à 10 sur laquelle le souffrant est invité à auto-évaluer ses sensations. Cette pratique présente néanmoins des limites comme celles des douleurs chroniques.

C’est pourquoi, pour mesurer la douleur, @Cerveau musclé nous encourage plutôt à prendre pour guide la répercussion de la douleur sur la vie du patient, en se posant les questions suivantes : dans quel état psychologique est mon patient ? Comment vit-il la douleur qu’il me décrit ? Est-ce que cette douleur handicape le patient dans son quotidien ? Si oui, dans quelles mesures ?

Savoir distinguer une douleur aiguë d’une douleur chronique

 

On peut différencier 2 types de douleurs : la douleur aiguë et la douleur chronique.

La douleur aiguë signale un danger imminent. Comme expliquée en partie 2), cette douleur joue un rôle essentiel dans notre capacité à survivre aux différentes attaques extérieures et contribue à la préservation de notre espèce. La douleur est à notre organisme ce que le signal sonore est à un foyer sur le point d’être réduit en cendre. Mais, tout comme le détecteur de fumée, la douleur ne “se met pas en route” pour une légère fumée venant de plaques de cuisson. Elle avertira en cas de réel départ de feu. Chez certaines personnes, ce détecteur de fumée est trop sensible. On parle alors de douleurs chroniques.

La douleur chronique est un symptôme, un signal répétitif qui n’a pas le rôle primaire d’assurer la survie de l’individu et s’avère alors extrêmement handicapant au quotidien. 

Les anti-douleurs, pour ou contre ?

 

Quand un patient est sujet à des douleurs d’ordre chronique, il est tentant de le diriger vers son médecin afin de lui prescrire des anti-douleurs, c’est à dire des médicaments contenant des molécules (comme l’acide acétylsalicylique par exemple mais il en existe d’autres) capables d’atténuer la douleur, non pas en agissant à la source de la celle-ci, mais en interceptent l’information nerveuse avant qu’elle n’arrive au cerveau. Le principe est simple : si le système nerveux ne reçoit pas d’information, la douleur n’est pas ressentie.

Vous êtes kinés et votre patient réclame des anti-douleurs. Comment vous positionner ? Le plus important est d’avoir suffisamment travaillé en amont avec le patient pour bilanter correctement sa ou ses pathologies. La douleur étant un signal d’alerte du corps, si l’information a été comprise et qu’une solution est en application pour répondre au problème, il n’y a plus réellement de besoin de subir cette douleur.

Utiliser un anti-douleur pour apaiser le patient est légitime, même si comme l’indique Cerveau musclé : “less is more”. Car l’écueil des anti-douleurs réside dans la dépendance que ces derniers créent avec le patient qui se sent très vite incapable de “fonctionner” sans l’aide procurée par les médicaments.

En conclusion, au terme d’un diagnostic fouillé ayant exposé les causes et mécanismes à l’œuvre de la douleur chez un patient, des anti-douleurs peuvent être prescrits. Les risques d’accoutumance devront être étroitement surveillés et contrecarrés par un plan de sevrage adapté en cas de dépendance avérée.

 
kine physio qui soulage un mal de dos
 
 

“La douleur, c’est dans la tête!” : le rôle du cerveau dans les circuits de la douleur

 

Pour l’International association for the study of pain, la douleur est une « expérience sensorielle ET émotionnelle désagréable en lien avec une lésion tissulaire réelle ou potentielle. ».

Nous savons aujourd’hui que si les informations sensorielles remontent de nos membres à notre cerveau pour donner l’information de la douleur, le cerveau, à son tour, peut décider de la manière dont cette information sera traitée.

Cette incidence du cerveau dans les mécanismes de perception de la douleur a été longtemps sous-estimée. Découvrez la preuve du contrôle de la douleur par le cerveau à travers ces trois anecdotes relatées par Cerveau musclé au cours de notre entrevue. 

Le cas de la douleur fantasmée

 

C’est l’histoire d’un ouvrier travaillant sur un chantier. Accidentellement ce dernier marche sur un clou qui transperce sa semelle. Affolé et fou de douleur, il se rend aux urgences, où l’équipe médicale découvre le clou largement enfoncé dans la semelle de la chaussure mais qui, par miracle s’avère… être passé entre deux orteils. En l’occurrence, aucune lésion tissulaire n’est à constater. Le patient affirme pourtant avoir ressenti une douleur intense au niveau du pied. 

💡 Interprétation

Le message douloureux est lancé par le cerveau suite à l’interprétation des signaux qu’envoie le corps. L’ouvrier ayant vu de ses yeux le clou traverser sa chaussure, son cerveau cède à la panique et lance un signal douloureux en interprétant cette vision.

La douleur peut donc être vue ici comme un “produit” de notre cerveau. Néanmoins, même fantasmée, elle n’empêche pas le patient de souffrir, la douleur reste réelle.

Le cas de la douleur fantôme

 

Les douleurs fantômes sont des douleurs qui hantent les patients pendant de très nombreuses années. Elles peuvent se manifester de manière aléatoire (du moins en apparence). Voyez plutôt.

C’est l’histoire d’un boulanger amputé d’une main suite à un accident de travail dans sa boulangerie. Son amputation est maintenant ancienne et les douleurs appartiennent au passé…sauf le dimanche matin. Tous les dimanches matins, ce boulanger se plaint de douleurs insupportables au niveau de son membre fantôme. Pendant des semaines les médecins cherchent à comprendre pourquoi, jusqu’à découvrir que le dimanche est aussi le jour où ce boulanger reçoit la visite de sa sœur amenant…du pain frais et odorant. 

💡 Interprétation

C’est l’odeur de pain frais à laquelle le boulanger est confronté le dimanche matin qui lui rappelle son accident de travail et lui fait revivre sa douleur. Le cerveau du boulanger a créé un “neurotag” associant sa douleur à l’odeur du pain, comme une madeleine de Proust. 

Le cas des douleurs inhibées (ou la magie du “mode survie”)

 

Nous avons vu à travers les deux anecdotes précédentes que les douleurs pouvaient se manifester en présence d’un certain stimuli et être absente le reste du temps. Voyons maintenant comment celles-ci peuvent-être ignorées lorsque notre survie en dépend…

C’est l’histoire d’une surfeuse du nom de Bethany Hamilton. Au cours d’une sortie en mer, Bethany est attaquée par un requin. In extremis, elle parvient à s’échapper et regagne le rivage à la nage. Hospitalisée d’urgence, elle apprend sur son lit d’hôpital…qu’il lui manque un bras, dévoré par le squale. Aucun message douloureux ne lui est parvenu jusqu’à sa prise de conscience à l’hôpital. 

💡 Interprétation

Le cerveau a manifestement fait un choix dans le traitement de la douleur : la peur du requin s’est avérée plus forte que la douleur liée au bras perdu. La perte du bras était moins importante que la perte de sa vie. Le cerveau de Bethany a fait taire sa douleur afin de pouvoir au mieux orchestrer sa survie.  

surfeuse nageuse en eau trouble
 
En résumé, la douleur est un signal désagréable que nous envoie notre cerveau à la suite de stimulations externes. Elle n’est pas négative, elle est même vitale vu qu’elle a pour rôle primaire de nous protéger en cas de danger. Le meilleur message à délivrer à vos patients est donc que la douleur n’est pas une information à combattre, mais une information à comprendre.
 

🤓 Et vous, quelle est votre expérience de la douleur en tant que praticien ? Dites-le nous en commentaire.

👉 Lire l’article : “Salaires des kinés, où en est-on en 2024 ?

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