L’accès direct aux soins kinés, pour ou contre ?

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Dernière modification le 01/03/2024
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Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur LE sujet controversé du moment dans le secteur de la kinésithérapie. Même Monsieur X en a entendu parler à la radio et ne se prive pas de vous donner son avis à chaque consultation. Oui oui, à CHAQUE consultation… Après certaines séances, vous pensez d’ailleurs à partir loin, très loin… (le jour où vous sauterez le pas, allez jeter un coup d’œil à notre article “Toutes les démarches pour s’installer en tant que kiné dans une nouvelle région ).

Alors les MK, vous avez deviné ? Mais c’est bien sûr ! Il s’agit de l’épineuse question de l’accès direct aux soins en kinésithérapie .

Nombre de médecins traitants en baisse…Urgences saturées…Volonté croissante des Masseurs-Kinésithérapeutes pour gagner en autonomie. Si la question de l’accès direct aux soins en Kiné divise, elle apparaît pourtant comme parfaitement légitime. Alors, pour ou contre ?

 

 

La situation de l’accès direct aux soins kinés en France et dans le monde

 

L’accès direct aux soins kinés en France

2020 : Le Plan de Refondation des urgences

Jusqu’en 2020, il était tout simplement impossible pour quiconque de pouvoir bénéficier de soins prodigués par un kiné sans avoir au préalable consulté un médecin généraliste pour la réalisation d’un diagnostic (et obtenu une ordonnance) ou s’être rendu aux urgences.

C’est le « Plan de Refondation des Urgences » proposé en 2019 et adopté début 2020 par le ministère des Solidarités et de la Santé qui, pour la première fois, permet aux patients atteints de douleurs lombaires aiguës (inférieures à 4 semaines) ou d’une entorse de la cheville de pouvoir se rendre directement dans un cabinet de kinésithérapie sans passer par la case parcours du combattant urgences.

2021 : La loi “Rist”, ou loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification

La proposition de loi “Rist” a été adoptée à la mi-avril pour finalement être promulguée le 26 avril et publiée le lendemain dans le journal officiel. Elle permet aux masseurs-kinésithérapeutes de pratiquer la kinésithérapie sans avoir besoin d’une prescription médicale, mais pas à n’importe quel prix.

La loi Rist suit l’élan de la refonte des urgences d’Agnès Buzyn et offre plus de souplesse et de liberté à la pratique de la kiné :
 

– Pratiquer la kiné sans prescription médicale

– Adapter les prescriptions médicales de moins d’un an dans le cadre de leur renouvellement

– Elargir le périmètre de prescription des kinésithérapeutes aux produits de santé : antalgiques, substituts nicotiniques, …

Quand a-t-on le droit de traiter un patient en accès direct ?

Il est capital de préciser qu’une multitude de conditions doivent être respectées pour qu’un thérapeute puisse prétendre à cet accès libre.

  • Il ou elle devra dans un premier temps former un binôme avec un médecin (relation délégué-délégant).
  • Ces deux professionnels de la santé devront travailler au sein d’une structure pluriprofessionnelle reconnue par l’Agence Régionale de Santé.
  • Concernant le patient, celui-ci doit être dans la tranche d’âge 18-55 et avoir accepté de rencontrer directement un kiné.

Nouveau pouvoir ou poudre au yeux ?

Être en mesure d’accueillir directement des patients (sous de multiples conditions), c’est bien, mais pouvoir prescrire sans avoir besoin de l’aval du médecin, c’est (peut-être) mieux ?!

Avant la promulgation de la loi Rist , de nombreux syndicats (SNMKR, FFMKR,…) préconisaient que cette avancée soit suivie de nombreuses autres pour que cela ait réellement un sens.

Ils demandaient notamment à ce que la liste énumérant les différents dispositifs médicaux que les MK peuvent prescrire soit élargie afin de faciliter davantage le parcours de soin des patients. Leurs voeux n’ont pas été exaucés…pour le moment.

 

 

On est tout de même en droit de se demander si cette nouvelle mesure, à elle seule, fait sens. Car quel intérêt de se passer du médecin pour prendre rendez-vous chez un MK si le patient doit par la suite y aller pour se faire prescrire tels ou tels dispositifs ?

Aujourd’hui, les kinés ont un droit de prescription de médicaments élargi. Même si la prescription des arrêts de travail est toujours réservée aux médecins, cette loi semble aller vers plus d’indépendance et une revalorisation progressive de la profession en France.

QUID de l’accès direct à la kiné outre hexagone ?

 
 
 

L’accès direct aux soins kinés dans le monde

 

Selon le site web du Syndicat National des Masseurs-Kinésitherapeutes Rééducateurs (SNMKR), ce sont plus de 40 États dans le monde qui auraient d’ores et déjà opté pour un système d’accès direct aux soins de kinésithérapie.

Parmi eux nous pouvons citer :

 
 
 
 
Dates de l’instauration de l’accès libre par pays. (liste non exhaustive).

Cairn – L’accès libre à la kinésithérapie : un processus à inventer pour la France.

> https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2014-5-page-669.htm

 

L’accès direct aux soins kinés : les « pour » 👍 et les « contres » 👎 ?

 

Les bénéfices d’un accès direct aux soins

 

Certaines études, ainsi que les résultats de la mise en place de politiques similaires dans de nombreux pays, permettent de mettre en avant certains bienfaits de l’accès direct aux soins en kinésithérapie.

Simplification des parcours de soins patients

Pour les patients, cela permet un gain de temps considérable grâce au raccourcissement du parcours de soin, une meilleure récupération due à une prise en charge beaucoup plus rapide ainsi qu’une diminution de la consommation de médicaments (principalement de la prise d’antalgique).

Allègement des dépenses publiques

Cela implique aussi une baisse considérable des dépenses publiques causée par une réduction des consultations des médecins généralistes et une diminution des examens complémentaires.

Désengorgement des urgences et des salles de consultations des généralistes

Enfin, l’accès direct aurait des conséquences bénéfiques sur le système de santé français au global, notamment en permettant aux médecins généralistes d’être moins occupés, et donc de pouvoir consacrer plus de temps aux consultations qui le nécessitent, mais aussi de désengorger les Urgences. En effet, selon une étude réalisée en 2011, on estime que ce ne sont pas moins de 6000 personnes qui se rendent aux urgences chaque jour pour une entorse de la cheville…. Cela représente environ 7 à 10% des consultations journalières aux urgences !

(étude 2011 Ameli.fr. HAS étude 2000)

 
 

Les freins à la mise en place d’un accès direct aux soins de kinésithérapie.

 

Mais alors pourquoi ne pas sauter le pas nous aussi ? Pourquoi la France rechigne-t-elle à adopter ce modèle ? Malgré les bénéfices avérés de l’accès direct aux soins kinés, de nombreux « freins » subsistent. Voici les principaux enjeux à relever pour que cette mise en place soit un succès :

(Prendre le temps de) Mieux former les MK face à leurs nouvelles responsabilités

Qui dit nouvel acte de soins dit nouvelles compétences requises…

Or la profession est soumise à un rythme de travail qui empêche bien souvent les MK de suivre les formations qu’ils souhaiteraient. 90 consultations par semaine, ça laisse peu de temps pour autre chose non ?

La réforme de 2015 concernant la formation initiale des kinésithérapeutes et ayant pour but de mieux former les futurs MK aux nouvelles exigences et aux attentes grandissantes des patients, est un premier pas qui facilitera la mise en place de l’accès direct aux soins de kinésithérapie.

Les tous jeunes praticiens sont donc normalement désormais capables de détecter les « red flags », ces signaux d’alerte qui laissent à penser qu’un problème de santé bien plus grave se cache derrière des traumatologies en apparence bénignes.

Mais QUID des kinés qui exercent depuis bien avant 2015 ? Sont-ils tous en mesure de réaliser un diagnostic différentiel et un diagnostic d’exclusion? Et comment s’en assurer ?

Revaloriser les cotations

Se posent ensuite les problèmes liés à l’organisation du travail pour les cabinets de kinésithérapie.

Plus de responsabilités devrait pouvoir signifier une augmentation des revenus pour les kinés ainsi que l’apparition de nouvelles cotations. De nombreux praticiens redoutent ainsi l’augmentation des responsabilités sans aucune compensation financière.

Le remboursement des soins est bel et bien au coeur de cette controverse et il est primordial qu’un cadre juridico-administratif soit mis en place afin de construire un modèle juste et viable pour toutes les parties prenantes.

Halte à l’engorgement des cabinets de kinés !

Attention à ne pas tomber de Charybde en Scylla. Il serait regrettable que le désengorgement des urgences soit synonyme pour les kinésithérapeutes d’une hausse non maîtrisable des visites dans les cabinets.

Un grand nombre de (jeunes) kinés font aujourd’hui un constat amer : l’apparition grandissante de cabinets « usines » dans lesquelles les consultations durent de moins en moins longtemps.

Les causes ? Une très faible diminution du nombre de kinés (même si la réforme de 2020 concernant la formation pourrait bien renverser la vapeur) couplée à une forte augmentation de la demande de soins de kinésithérapie.

Il s’agit donc de donner aux cabinets les ressources humaines nécessaires pour adresser une plus grande demande.

💡 Les éléments à retenir

 

En conclusion, malgré les avancées réalisées permettant aux thérapeutes de gagner en autonomie et aux patients d’avoir accès aux soins de kinésithérapie plus facilement, de nombreux obstacles doivent encore être dépassés. Parmi ceux-ci nous pouvons citer le cadre juridico-administratif qui reste encore aujourd’hui vague ainsi que les nombreuses limites organisationnelles rencontrées aux quotidiens par les kinés (manque de temps et de ressources)…
 

Néanmoins, pouvoirs publics et masseurs-kinésithérapeutes s’accordent sur un point : la solution doit forcément passer par l’éducation thérapeutique du patient ! Il est important de favoriser l’intégration de certaines compétences pour limiter et/ou mieux vivre ses problèmes de santé en devenant acteur de sa santé.

 

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