Depuis le 17 mars 2020, la vie des kinés a subi de nombreux rebondissements : fermeture des cabinets, demandes d’indemnisations de l’Assurance maladie, activation du fonds de solidarité. La crise du Covid-19 a également mis précipitamment sur la table un sujet qui était dans les cartons depuis longtemps : le télésoin dans l’exercice de la kinésithérapie.
Guillaume Rall est kinésithérapeute en libéral mais également diplômé de l’EHESP en pilotage des politiques et actions de santé publique. Il est revenu lors d’une interview pour Maddie sur la situation actuelle en matière de télésoin. Alors, que faut-il savoir quand on est MK ?
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Qu’est ce que le télésoin ?
Le télésoin s’inscrit dans la loi du 24 Juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Il est défini comme étant une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour mettre en relation un patient avec un professionnel du paramédical – par opposition à la télémédecine qui concerne, quant à elle, les médecins.
Télémédecine et télésoin s’inscrivent dans la notion plus globale de télésanté.
Le télésoin en kiné, où en est-on ?
La crise sanitaire a propulsé le télésoin dans la sphère de la kinésithérapie
Déjà ouvert à certaines professions du paramédical, le télésoin n’avait encore pas investi la sphère de la kinésithérapie début 2020. La crise sanitaire du Covid-19 et la fermeture des cabinets aura changé d’un coup d’un seul la donne.
Le télésoin en kinésithérapie autorisé temporairement pendant la crise sanitaire
Ainsi, un arrêté ministériel négocié avec les syndicats en date du 16 avril 2020 rend possible, face aux conditions exceptionnelles de crise, les actes de télésoin par les masseurs-kinésithérapeutes et leurs remboursements par la sécurité sociale. Cet arrêté est censé prendre fin le 10 juillet 2020, date actuelle de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
👉Lire notre article : “10 recommandations aux kinés pour la sécurité des soins en cabinet en période de Covid-19”
Quelles sont les conditions pour assurer une consultation de kinésithérapie en télésoin ?
Règles à respecter pour le télésoin en kinésithérapie : les actes autorisés et les engagements réglementaires
Le télésoin, ce n’est pas le far west ! Il convient de respecter un engagement réglementaire. En outre, la consultation “à distance” n’est possible que si l’on a déjà reçu le patient en cabinet. Donc pas de bilan ni de renouvellement de bilan en télésoin, seulement des séances de rééducation.
👉La liste exhaustive des actes réalisables en télésoin est mise à disposition sur Ameli.
Les règles de déontologie et d’éthique s’appliquent en télésoin
Aussi, les règles élémentaires de déontologie et d’éthique s’appliquent toujours. Le consentement du patient à consulter son kiné en visio est impératif, autant que le devoir du kiné de définir les objectifs de la séance, l’obligation d’information (comment va se passer l’acte de télésoin) ou encore le respect du secret professionnel.
Les équipements nécessaires pour une consultation en télésoin
Enfin, la consultation ne pourrait avoir lieu sans un équipement audio et vidéo tant pour le patient que pour le kine. Il va de soi que le patient doit être à l’aise avec l’outil de téléconsultation choisi et devra être convaincu de l’intérêt de la séance.
Quel est l’intérêt de pratiquer le télésoin en kinésithérapie ?
Le télésoin en kinésithérapie : un outil de transition utile pendant la pandémie
À raison questionné par les confrères, le télésoin déchaîne les passions depuis plusieurs semaines.
Faute de pouvoir assurer la continuité des soins de leurs patients pendant les 8 semaines de confinement, de nombreux MK ont naturellement mis en place un suivi à distance. Ces rendez-vous par téléphone, Whatsapp ou bien via des plateformes de télémédecine ont permis à beaucoup de patients de bénéficier d’un accès aux soins kinés qui auraient été inenvisageables d’assurer en cabinet pendant l’épidémie.
À date, le télésoin est donc un outil de transition avant la reprise d’un fonctionnement normal des consultations en cabinet.
Le télésoin : un outil de suivi à distance de plus en plus plébiscité en kinésithérapie
Néanmoins, il est fort possible que des discussions aient lieu prochainement pour faire entrer en vigueur et généraliser le télésoin après la crise sanitaire. L’intérêt majeur sera de permettre une amélioration du suivi notamment en rééducation via de la mobilisation active et de l’auto-rééducation. Dans un contexte de reprise de l’activité physique par exemple, la consultation vidéo permet au kinésithérapeute de constater la juste pratique des exercices et de les corriger.
La pratique du télésoin présente un intérêt majeur pour les patients éloignés géographiquement, pour qui, associer du télésoin à un suivi en cabinet, pourrait permettre une meilleure prise en charge.
Enfin, le télésoin rend aussi possible un suivi à distance des patients à la fin d’un programme de rééducation, afin de continuer à prodiguer des conseils.
Quelles sont les limites du télésoin en kiné et dans quels cas faut-il l’exclure ?
Il est évident que le télésoin ne saurait se substituer à la prise en charge en cabinet ou à domicile. Impossible par exemple de réaliser des mobilisations articulaires ou des actes de kiné respiratoire.
Par ailleurs, pour les patients atteints de troubles cognitifs (sans la présence d’un aidant), le risque de chute exclut de fait le télésoin. La présence d’une personne majeure est également indispensable dans la prise en charge d’un mineur à distance.
Enfin, la nécessité d’être équipé d’un matériel audio et vidéo est aussi excluante pour les patients non équipés ou ceux, souvent d’un âge avancé, qui ne savent en faire usage.
Déshumanisation du soin et perte de sens du métier de kinésithérapeute : des craintes légitimes ?
Si le télésoin pose autant question dans la profession c’est souvent parce qu’on craint d’entacher la relation patient-praticien et en cascade la valeur intrinsèque qu’apporte le soignant à son patient. En bref, on a peur de ne plus “servir” alors que c’était bien là notre vocation première, peur aussi que d’autres professions s’emparent de cette occasion pour prendre notre place.
Pourtant, le télésoin semble être une excellente opportunité pour entretenir une relation durable avec ses patients, encourager les exercices actifs, s’inscrire dans une dynamique d’éducation à la santé et faire de la prévention. On peut donc y voir une réelle occasion de revaloriser la profession !
👉Lire notre article : “Covid-19 & kinés : les aides auxquelles vous avez droit”
Qu’en est-il du cadre conventionnel et de la facturation des actes en télésoin ?
Jusqu’au 10 juillet 2020, les actes en télésoin sont remboursés à 100% par la sécurité sociale. Lorsque l’on pratique le tiers payant, il suffit de choisir de facturer en mode dégradé sans carte vitale sur son logiciel de gestion puis de cliquer sur l’onglet “soin exonéré”.
Sans tiers payant, vous êtes contraint de demander à votre patient de vous envoyer un chèque par la poste.
Que va-t-il se passer après le 10 juillet ?
Une négociation pourrait avoir lieu pour intégrer le télésoin dans la convention des masseurs-kinésithérapeute et cadrer ses modalités d’application.
Il y a de nombreuses raisons de penser que le télésoin pourrait officiellement se faire une place dans la pratique de la kinésithérapie, comme c’est le cas aujourd’hui pour d’autres professions du paramédical.
Quid de l’accompagnement financier ?
Aujourd’hui le télésoin ne requiert que peu d’équipements (Whatsapp et Skype sur votre téléphone feront l’affaire).
Demain, si la pratique venait à perdurer, utiliser une plateforme de téléconsultation sécurisée pour protéger les données de santé pourrait devenir obligatoire.
Mais ces plateformes ont un coût. Les discussions devraient donc aussi tourner autour de la prise en charge de l’équipement (matériel audio, vidéo et logiciel de télésoin), à l’instar de l’aide au paiement des logiciels métiers dont les kinés bénéficient aujourd’hui.
Quelle plateforme choisir pour les consultations en télésoin ?
De nombreuses plateformes de télémédecine existent, avec leurs lots d’avantages et d’inconvénients. Un tableau comparatif qui recense toutes ces solutions a été publié par le ministère de la santé.
A noter que Inzee Care est une plateforme de téléconsultation gratuite, financée par les URPS et accessible à tous les MK d’IDF.
Les 5 idées à retenir
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- Le télésoin en kinésithérapie est autorisé en France depuis 2018 et peut être utilisé pour des actes de suivi ou de rééducation à distance, sous certaines conditions.
- Le patient doit donner son consentement éclairé pour bénéficier du télésoin et celui-ci doit être réalisé dans un environnement adapté, avec du matériel adéquat et une connexion internet suffisante.
- Le télésoin peut être utile pour des patients qui ont des difficultés à se déplacer, des pathologies chroniques nécessitant un suivi régulier ou pour lesquelles des séances de rééducation peuvent être programmées à distance.
- La téléconsultation permet aussi de diversifier l’activité du kinésithérapeute, de toucher de nouveaux patients, notamment en zones rurales, et de réaliser des consultations en dehors des heures d’ouverture classiques.
- Toutefois, le télésoin en kinésithérapie présente des limites et ne peut remplacer totalement la prise en charge en présentiel. Il est important de respecter les règles déontologiques et les bonnes pratiques pour assurer la qualité des soins prodigués à distance.